« Zadig ou la Destinée », Voltaire

Nous sommes à Babylone. Zadig est un jeune homme beau et vaillant. Au début du conte, il a le cœur gonflé d’idéaux et de bons sentiments. Il croit qu’être plein de noblesse le rendra heureux mais il réalise rapidement que le monde est injuste, ce ne sont pas les hommes bons qui sont les plus heureux, au contraire, son amour de la justice et du savoir lui attire bien des ennuis. Les hommes sont mauvais, le monde est imparfait, la vertu n’y a pas sa place.

Pire, c’est en voulant rétablir la justice dans un monde qui en manque cruellement qu’il s’attire la haine de ses semblables. Quand il empêche une femme de se jeter dans un bûcher pour obéir à une tradition ancestrale qui veut que les femmes s’immolent au décès de leur mari, il s’attire les foudres des prêtres qui se repaissaient grassement des biens des femmes décédées Faire le bien n’est pas récompensé. Zadig souffre parce qu’il se refuse à la médiocrité et à la méchanceté des hommes. Le seul moyen pour lui de survivre est de rester indifférent aux malheurs d’autrui comme lorsqu’il refuse de porter assistance à une femme qui avait déjà fait montre de son ingratitude.

Zadig est pourtant un conte léger et amusant où Voltaire déploie une plume incisive et un ton volontiers satirique.  C’est un conte philosophique qui donne matière à penser à un lecteur distrait en quête de divertissement. Zadig soulève notamment la question du mal. Pourquoi avons-nous l’impression que les hommes bons ne sont pas favorisés par la destinée tandis que les mauvais s’en sortent à bon compte ? La réponse apportée qui ne satisfait ni Zadig ni Voltaire est que le monde obéit à une logique qui n’est pas perceptible par les simples mortels, il serait vain pour la créature de chercher à comprendre les desseins de son créateur.

A notre époque, on ne se pose guère plus la question du mal. Il n’y a personne pour s’étonner que des gens aillent dans un campus pour y massacrer des étudiants ou encore que des femmes doivent se prostituer pour nourrir leurs enfants tandis que quelques-uns ne cessent de s’enrichir. On s’en attriste puis on s’en lasse. S’il y a encore des croyants fervents, on est tous conscients que le monde est grandement régi par la volonté humaine et les intérêts privés ; c’est pourquoi d’ailleurs il n’y a plus de théodicées. Bref, je dirais que c’est une question qui n’a plus grand intérêt dans un monde désenchanté.

En revanche, et c’est ce qui m’a le plus frappée, la question de l’inadaptation au monde est bien actuelle. Zadig souffre parce qu’il est trop bon pour vivre dans un monde trop mauvais. C’est en acceptant cet état de fait et en devenant le roi de Babylone qu’il est enfin heureux. Étant donné qu’on ne pourra pas être les rois de Babylone, la ville n’existant plus depuis plus d’un millénaire, que nous reste-il comme options ? Quelles qualités et quelles valeurs faut-il posséder pour être heureux ? Le conte nous donne au moins une qualité à avoir : le courage.

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