Une question me taraude, il n’en va pas de l’avenir de l’humanité mais elle mérite d’être répondue.
Un monde nouveau engendre de nouveaux problèmes
Il y a eu la lettre manuscrite, le télégramme, le minitel, le sms, le mail et maintenant la messagerie instantanée. Nos pratiques d’écriture ont immanquablement changé. Nous écrivons tout le temps, n’importe où et parfois n’importe quoi.
Nous nous sommes rendus compte très tôt des faiblesses de l’écriture car si cette dernière retranscrit bien les idées, elle se retrouve bien incapable de traduire l’intention de la personne qui écrit, l’intonation qu’une phrase aurait eu lors d’un échange de vive voix ainsi que l’émotion de l’émetteur. Cela fait de l’ironie par exemple un exercice assez périlleux puisqu’il suppose une connivence entre l’émetteur et le récepteur du message : les deux savent que les paroles prononcées ne sont pas à prendre au sens propre, c’est pour de faux.
Et des solutions…
Pour endiguer la froideur de notre écriture, nous, commun des mortels qui manquons du talent de Proust pour les télégrammes, avons engendré des horreurs telles que LOL, MDR, PTDR, j’en passe et des meilleurs. Autant de subterfuges qui permettaient d’indiquer à notre destinataire que nous n’étions pas du tout sérieux malgré l’impression que pouvait donner notre message.
Dieu merci, nous avons réussi à enterrer ce mal même si nous avons perdu certains d’entre nous dont la vacuité de l’esprit transparaissait au grand jour. Par nous, je n’entends pas chaque utilisateur d’un smartphone individuellement. Je pense plutôt à la possibilité que nous a donné la technologie d’orner nos discours de smileys qui essaient de retranscrire toute la gamme des émotions.
J’ai tenté autant que possible de me battre contre cette mode que je trouvais puérile et ridicule. Mais, hélas, j’ai fini par adopter ces petites têtes qui sont bien pratiques et toutes mignonnes il faut bien l’avouer. Que celui qui n’a jamais pêché… Pour que mes messages ne paraissent pas secs, durs et amères, après les avoir rédigés, je les saupoudre d’un clin d’œil, d’un sourire, voire d’un cœur vert les jours où je suis vraiment de bonne humeur.
Cette démarche n’est pas si superficielle car elle augmente sensiblement mon capital sympathie et, horresco referens, il m’arrive de sourire ou de froncer les sourcils quand je mets un smiley. Je ne sais pas encore si des savants ont théorisé l’impact des smileys sur notre état d’esprit mais je mettrais ma main à couper qu’ils ne traduisent plus l’émotion des personnes qui les utilisent mais participent bien à leur création.
… qui enfantent à leur tour de nouveaux problèmes
Une question me taraude et ceci est un vrai appel à l’aide et à l’intelligence collective. Où faut-il placer la ponctuation ? J’ai relevé trois possibilités :
1) soit on supprime tout signe de ponctuation considérant ainsi que le smiley fait déjà office de ponctuation ; mais alors on commet un crime contre la grammaire et on mérite d’être pendu sur la place publique pour avoir méprisé le caractère éloquent des signes de ponctuations. Il y a une différence fondamentale entre « Merci d’être venu ! » qui traduit l’enthousiasme, « Merci d’être venu… » qui cache un reproche et « Merci d’être venu. » qui est raide et froid ;
2) soit on met le smiley avant la ponctuation : « Merci d’être venu 🤗 ! » Mais dans ce cas, le point d’exclamation semble inutile, il vient trop tard, il n’apporte aucune information supplémentaire puisque l’émotion est déjà contenue dans le smiley qui le précède ;
3) soit enfin, on garde l’unité de sa phrase et on met le smiley après le signe de ponctuation : « Merci d’être venu ! 🤗 Le vin que tu as apporté était… » Dans ce cas, on ne sait pas s’il appartient à la phrase d’avant ou à elle qui suit. 🤯
J’opte en général pour la troisième option mais elle ne me satisfait pas tout à fait pour les raisons données ci-dessus. Et vous, quel usage avez-vous adopté ?