Malgré les scènes violentes qu’elle montre, la Servante écarlate est une série qui nous apprend beaucoup sur le statut des femmes dans la société. A Gilead, les femmes n’ont pas le droit de lire sinon elles sont mutilées et ce quel que soit leur statut dans la société. Les livres qui symbolisent la connaissance, l’instruction sont porteurs d’un trop grand pouvoir. Ils risquent de faire naître le désir d’un changement politique et d’une révolution. Les femmes n’occupent donc aucun statut politique et ne vivent en somme que par rapport à leur fonction reproductrice. Quel que soit le cas de figure, elles appartiennent à quelqu’un.
June, le personnage principal, se rappelle que cette perte de liberté a été progressive. En cas de troubles politiques, ce sont les droits des femmes surtout qui reculent. Elles n’ont plus eu le droit de travailler, d’avoir une contraception sans l’accord du mari. Mais le plus grave, c’est qu’au fur et à mesure, elles se sont habituées à ces restrictions. Si tous ces changements avaient eu lieu de manière soudaine, elles se seraient révoltées, mais ce fut plus subtil ce qui a empêché les femmes de se battre suffisamment tôt pour conserver leurs droits. Et quand elles ont essayé de manifester, l’État n’a pas hésité à tirer à balles réelles sur les manifestants ; il a signé clairement la fin de la démocratie. C’est quand la voix du peuple compte que les manifestations ont un sens, dans un État totalitaire, il faut avoir recours à une force plus grande encore ou se taire. Elles ont donc cédé à la peur, celles qui ont pu ont pris la fuite vers d’autres pays les autres se sont résignées.
La leçon à tirer de ce passage est qu’il ne faut pas permettre qu’on nous diminue nos droits car souvent, ce qui nous est enlevé ne nous est pas rendu. Je pense plus particulièrement aux gens qui veulent restreindre l’accès à l’avortement. J’ai tendance à penser qu’il ne faut pas débattre sur ce point. Débattre suppose qu’on est apte à abandonner sa position au profit d’une autre positions si on nous présente de bons arguments. Or, le droit à disposer de son corps est un droit aliénable qui ne doit pas être discuté. Accepter de discuter, c’est avouer qu’on est prêt à changer d’avis.

June a eu une conversation avec son Commandant que j’ai trouvée très éclairante. Le Commandant affirmait que Gilead avait pour mission de rendre le monde meilleur, et June, qui ne partage évidemment pas cette vision n’a pas acquiescé. Pour elle, que des femmes soient violées, battues et servent de mères porteuses n’est en rien une amélioration du monde. A cela le Commandant répond :
We only wanted to make the world better. Better never means better for everyone. It always means worse for some.
Nous voulions seulement rendre le monde meilleur. Meilleur ne signifie pas meilleur pour tout le monde. Cela signifie toujours pire pour quelques-uns.
Les exemples pour appuyer ce relativisme des valeurs ne manquent pas. La démocratie athénienne n’a pu voir le jour que parce qu’Athènes faisait payer d’autres cités pour financer ses jeux, ses spectacles, tout ce qui a fait sa grandeur. Si on prend un exemple romain, les thermes, ces bains publics qui offraient à chacun gratuitement un lieu où profiter de l’eau chaude et froide, de saunas, de massages etc. n’ont pu exister que parce que des esclaves se trouvaient au sous-sol pour faire chauffer l’eau. Et, pour prendre un exemple plus récent, on peut parler de la classe moyenne, elle n’a la possibilité de surconsommer que parce que les produits sont fabriqués dans des pays où les travailleurs sont exploités et ne gagnent presque rien. S’il avait fallu être juste, ceux qui profitent d’un tel confort ne pourraient pas poursuivre leur mode de vie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle malgré les scandales qui éclatent et les vidéos qui fuitent, les entreprises qui exploitent leurs employés restent prospères. Le bonheur des uns repose sur le malheur des autres même à notre époque. La série n’est pas si dystopique, elle ne fait que pousser à l’extrême cette injustice qu’on a appris à accepter parce qu’elle nous profite. Finalement, elle pousse le spectateur à se demander à quel camp il appartient et ce n’est pas toujours le camp des gens bien.